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INTERVIEW DE FATOU MEÏTE, LA CHEFFE PÂTISSIÈRE QUI MET DE LA MAGIE ET DE L'AMOUR DANS VOS ASSIETTES!

Dernière mise à jour : 17 déc. 2020

Pour rappel, cette rubrique « Gastronomies africaines » a vu le jour en mars 2020 et a pour vocation de faire connaître au plus grand nombre les recettes et produits des différents pays d’Afrique, ainsi que leur histoire.


 

Originaire de la Côte d’Ivoire, Fatou MEÏTE est passionnée de cuisine depuis sa plus tendre enfance. Elle découvre le « cake design » il y a quelques années, en créant des pièces uniques pour sa famille et ses amis, et décide de partager ses envies et inspirations culinaires à travers les réseaux sociaux et le magazine Afro cooking, en mêlant exotisme et tradition. C’est ainsi que naît Ô Délices Gourmet en 2012.

En octobre 2018, elle est l'heureuse lauréate du concours #PassestonCAP avec la célèbre marque de biscuits Michel & Augustin.


1. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?


Titulaire d’un BTS en Commerce International et d’un BAC+4 en Management et Marketing des Entreprises Européennes, j’ai eu la chance de commencer ma carrière dans un grand groupe cosmétique, au sein du département Marketing Ethnique du soin capillaire Softsheen Carson. J’ai ensuite travaillé pendant 15 années chez Procter & Gamble, multinationale américaine spécialisée dans les biens de consommation courante, sur des fonctions marketing et communication.

J’ai toujours été une passionnée de cuisine du monde et suis une curieuse et une gourmande, ce qui m’a poussée ces dernières années à développer mon intérêt pour la pâtisserie. J’ai commencé en autodidacte en m’aidant de tutoriels trouvés sur internet et de livres de recettes, puis, la passion et ce besoin de savoir et d’expertise devenaient tellement grandissants qu’il fallait que je passe à l’étape supérieure : en faire mon métier !

Je me voyais pour la première fois faire autre chose que du marketing et j’en avais la certitude. J’ai donc obtenu en juillet 2019 mon CAP Pâtissier en candidat libre via les cours du soir, grâce à une amie qui m’a inscrite au concours de la biscuiterie Michel & Augustin qui offrait l’opportunité à un porteur de projet, autour de la pâtisserie, de le former et de le soutenir dans son aventure pâtissière. Une fois mon diplôme qui m’autorise et surtout me reconnaît au sein de la profession en tant qu’artisan Chef pâtissier en poche, je décide de rompre avec ma vie d’avant et de raconter une nouvelle histoire : l'entreprenariat à temps plein. J’ai ainsi commencé mes prestations dans l'événementiel et ai développé ma clientèle qui est aujourd’hui fidèle depuis plusieurs années, grâce à des acteurs connus de l’organisation événementielle du grand Paris et à la confiance des influenceurs, ambassadeurs de la cuisine afro-caribéenne en France et en Belgique.


2. La pâtisserie n’est pas une tradition culinaire en Afrique. Où puisez-vous donc votre inspiration ?

J’ai la chance d’avoir une double culture : ivoirienne de père et de mère, d’une fratrie de 4 enfants dont je suis le numéro 3 et la première née en France à Paris, j’ai grandi avec les codes de la France que mes parents découvraient et les saveurs de l’Afrique de l’Ouest qu’ils m’apprenaient. C’est ce qui me représente.

Enfant, nous avions avec mon père un rituel qui consistait à passer à la boulangerie pour m’acheter un pain au chocolat, un éclair ou toute autre pâtisserie, en me déposant les matins et en me récupérant les soirs à l’école. Nous pouvions rester des minutes entières à contempler la vitrine : ces couleurs, ces fruits, ces saveurs, cette brillance et ces parfums réunis en un seul élément : un gâteau c’est magique !

Ma mère qui ne savait pas pâtisser tout simplement parce que ce n’est pas dans la culture africaine, a appris à faire le fameux gâteau “multifonction” déclinable à souhait : le gâteau au yaourt. Elle a fini par avoir son gâteau signature, le gâteau à l’orange, s’appropriant ainsi cette culture qu’elle embrassait.

Mon inspiration vient donc de ma vie, de mon histoire et de celle de mes parents.


3. Que souhaitez-vous transmettre à travers votre cuisine ?

Faire ressentir une émotion, partager un souvenir ou découvrir une saveur. Mon but est de faire vivre une expérience culinaire à la personne qui décide de faire appel à mes services.

L’aventure commence dès la prise de contact, j’apprends à connaître l'univers de la personne et à comprendre ce qu’elle souhaite apporter à ses convives. Ce n’est pas juste un gâteau, mais une histoire que je raconte.

Pour un mariage par exemple, à travers mes prestations, j'ai la chance de faire un chemin de vie avec mes clients et de faire un peu partie de leur histoire. Quand ils ouvriront leur album photo de mariage quelques années plus tard, je serai encore présente grâce à mon gâteau, raison pour laquelle il est important de rendre chaque pièce unique et de faire le maximum afin de laisser de bons souvenirs et de rester gravée dans les mémoires.

4. Quels ingrédients/produits aux sonorités africaines aimez-vous particulièrement travailler et où peut-on les trouver ?

Sans hésiter le chocolat en première position, produit qui représente la richesse de la Côte d'Ivoire. Je travaille en partenariat avec le Chocolatier Ivoirien, marque de chocolat artisanal 100% Ivoirien qui forme également des femmes dans les villages. Ensuite, la noix de cajou (ou anacarde) que j’incorpore dans mes préparations et qui permet de revisiter des recettes à base de noisettes comme le praliné par exemple ou les noix caramélisées. La fleur de bissap* également qui a mille vertus et que j’utilise pour mes préparations de coulis, de sauces, de condiments, de colorant, de décor. Enfin, la mangue et le fruit de la passion, symboles de l’exotisme et saveurs qui se marient parfaitement entre elles et à merveille avec le chocolat. Également déclinables à souhait tant pour le sucré que pour le salé.

* Le bissap est le nom donné en wolof sénégalais aux fleurs d’hibiscus, plus précisément l’hibiscus sabdariffa. arbuste qui pousse en zone tropicale, notamment en Guinée d'où il est originaire puis s'est ensuite propagée dans le reste de l'Afrique de l'ouest, au Botswana, et au Congo. Cette plante est aussi connue en Égypte, au Soudan, en Centrafrique et dans de nombreux pays. Cette fleur aux milles vertus nettoie les intestins et contribue à la perte de poids. L’infusion de fleurs d’hibiscus (bissap), digestive et diurétique, est fortement conseillée pour le bon fonctionnement de l’intestin. Très efficace contre les troubles digestifs et la constipation, cette boisson aide au transit. Le bissap favoriserait la baisse du mauvais cholestérol et dans le même temps réduirait les niveaux de triglycérides.


5. Quel regard portez-vous sur le monde de la pâtisserie aujourd’hui, et, plus particulièrement, sa place au sein des gastronomies africaines ?

Ce monde a évolué ces dernières années et peut être comparé à une collection de mode design, très tendance et avec une éco-responsabilité.

Il y a d’une part le visuel, un des principaux éléments en pâtisserie, qui se veut plus sophistiqué et plus artistique comme le trompe-l’œil. D’autre part, on constate une avancée vers une conscience plus éthique, la qualité des ingrédients et leur provenance ayant un impact encore plus important.

Le confinement a développé un engouement pour le “fait maison”, ce qui pousse les gens à s’intéresser de plus en plus à ce qu’ils achètent et mangent.

C’est une véritable aubaine pour les gastronomies africaines avec la tendance de la “smart food”, qui propose aux consommateurs des produits sains aux valeurs nutritionnelles complètes, nutritives et naturelles. On y retrouve beaucoup de farines sans gluten à base de nos céréales et produits africains tels que le manioc, la patate douce, la banane plantain, le mil… Des aliments qui font partie de l’alimentation quotidienne des africains, des goûts et des saveurs qui sont dans nos habitudes de consommation, mais consommés d’une manière différente.

Selon moi, après l'Asie, l'avenir de la pâtisserie c’est l’Afrique !

6. Quel(le) chef(fe) pâtissier vous inspire ?

Je m’inspire des chefs passionnés qui mettent en avant leurs deux casquettes de chef pâtissier et de cuisinier. Et si je devais choisir, je citerai deux chefs que j’aime beaucoup, bien que très différents :

  • Le Chef Philippe Conticini, reconnu tant pour ses travaux sucrés que salés, un visionnaire, un passionné et un créateur. Inventeur de la verrine, il attache une grande importance à transmettre des émotions à travers sa cuisine et démocratise le travail du goût. Il est le premier à avoir proposé de la cuisine gastronomique à base de produits de grande consommation, prouvant ainsi que la gastronomie n’est pas uniquement réservée à une élite.

  • Et le chef Cyril Lignac, surtout pour son parcours inspirant et son business model. Sa position de chef de proximité l’a propulsé à l’écran et sa stratégie de communication prouve que l’on peut être dans l’excellence, tout en étant proche des gens et accessible.

7. Quelles sont selon vous les qualités requises pour être un bon chef pâtissier ?

Nos nerfs sont souvent mis à rude épreuve car nous intervenons la plupart du temps sur des événements qui impliquent beaucoup de sentiments et d'émotions. Pour ma part, je dirai avant tout du self-control, de l’organisation pour bien respecter les étapes de production, un brin de curiosité, une bonne dose de générosité, un soupçon de patience, une cuillère d'endurance et le tout saupoudré d’un bon relationnel.

8. Que faites-vous quand vous n’êtes pas aux fourneaux ?

Au quotidien, j’essaie de passer autant de moments de qualité que possible avec mes filles et avec ma famille. Je fais également du sport tous les jours, ce qui m’aide à me vider la tête. Je découvre d’ailleurs le yoga depuis quelques semaines, ce qui m’aide aussi à maintenir une forme physique et la santé, choses essentielles dans notre métier. Les voyages culinaires aussi dès que je peux partir, autant dire que ces derniers mois ont été difficiles. Du coup, j’ai dévoré les émissions culinaires à la télé, à la recherche de nouvelles idées et saveurs. Découvrir la gastronomie locale d’un pays ou d’une région est une véritable source d’inspiration pour moi, ce que je mets ensuite en pratique dans ma carte. Je donne également du temps aux associations en lien avec les enfants et les femmes. Je prends très à cœur mon rôle de marraine pour l’association “Tout le monde contre le cancer” dans laquelle je suis très impliquée et l’association “Ekila Kid”, qui prône la transmission et le partage entre des fillettes et adolescentes et des femmes adultes de la diaspora africaine, qui servent de modèles pour leur apprendre à s’accepter. 9. Enfin, pour ces fêtes de fin d’année, quel est le dessert dont vous souhaitez partager la recette avec nous ?

Mon Cheesecake saveur bissap sans cuisson, qui offre un équilibre gourmand parfait entre l’acidité du bissap et la douceur de la crème. Il est également possible de remplacer le coulis de bissap par d’autres saveurs comme la mangue, les fruits rouges, le caramel. Il s’agit d’un cheesecake sans cuisson, facile à refaire à la maison et avec une belle décoration. Les addicts au bissap et les fans de Cheesecake vont y trouver leur bonheur.


Temps de préparation : 40min – Pour 8/10 personnes

MATERIEL 1 cercle ou un moule à manquer de 20cm 1 batteur électrique ou robot ménager 1 fouet 1 spatule Papier cuisson

INGREDIENTS

· Base du biscuit

  • 20 biscuits à émietter au choix Spéculoos, Oreos ou sablés

  • 100 gr de beurre à température ambiante

· Couche de cheesecake

  • 300 gr de fromage frais à tartiner

  • 150 gr de mascarpone

  • 200 gr de chocolat blanc

· Coulis bissap

  • 30 gr de feuilles de Bissap

  • 1 tige de menthe

  • 30 gr de sucre

  • 200 ml d’eau

  • 3 gr d’agar agar ou pectine, une feuille de gélatine

· Chantilly vanillée

  • 30 cl de crème liquide entière

  • 2 c. à soupe de mascarpone

  • 3 c. à soupe de sucre

  • 1 gousse de vanille ou un sachet de sucre vanille

· Fruits et Biscuits pour la déco

ETAPES DE LA RECETTE

1. Porter à ébullition pendant 5 minutes les fleurs de bissap avec l’eau, le sucre, la tige de menthe. Ajouter le gélifiant choisi, garder au feu encore 2 minutes puis retirer les fleurs de bissap. Laisser reposer au frais pendant 15 minutes au moins.

2. Pendant ce temps, mixez les biscuits avec le beurre pour obtenir une pâte qui sera la base du cheesecake et étalez-la dans le fond d’un moule à fond amovible préalablement recouvert de papier sulfurisé. Tassez bien, aplatissez la pâte puis placez le tout au réfrigérateur durant 15 minutes.

3. Faites fondre le chocolat blanc coupé en morceaux au micro-ondes ou au bain-marie.

4. Dans un bol, mélangez le fromage frais à tartiner, le mascarpone et le chocolat blanc fondu pour obtenir une crème épaisse. Répartissez bien la moitié de la préparation sur la base biscuit du cheesecake. Ajoutez par-dessus quelques cuillères de coulis de bissap puis recouvrir du reste de la préparation. Placez au réfrigérateur pendant 1 heure.

5. Dans un bol froid, versez la crème liquide froide, le mascarpone froid, le sucre et les graines de vanille (ou sachet de sucre). Fouettez le tout pour obtenir une chantilly épaisse et ferme. Remplissez une poche à douille. Démoulez le cheesecake, placez-le sur un plat de présentation et nappez le gâteau avec la chantilly et le reste du coulis.

6. Laissez place à votre imagination gourmande et décorez avec le reste des biscuits, de fleurs de bissap, de menthe, des fruits rouges. C’est prêt, vous pouvez à présent vous régaler ! 😊 Cheffe Fatou, merci d’avoir répondu à nos questions et de partager votre passion pour la pâtisserie. Votre recette de Cheesecake au bissap donne très envie et je suis certaine que nous serons nombreux à essayer de la reproduire chez nous. Et il faut le préciser, outre ses talents de cheffe pâtissière, cheffe Fatou est également traiteur événementiel et propose également des plats salés. Et ne l’oublions jamais, la cuisine retisse les liens et a ce singulier pouvoir de nous rassembler par-delà nos différences, autour du plaisir originel et universel des arts de la table.


Interview réalisée par Carole Sagbo - Le 16/12/2020.

crédit photo : NKM PROD

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